La petite fille a étreint le corps froid de son papa...
Pensant qu’à la vie il reviendrait, comme cela,
Que sa simple chaleur d’humaine le réchaufferait,
Parce que jamais, pour elle, il « mourirait ».
Comme quand on jouait à la mort pour de faux,
Et qu'en plus, on trouvait ça rigolo.
Ce temps où nous étions sur nos vélos crosses,
Ce temps où nous prenions les virages, puis les bosses,
Ce temps où tout comptait pour du beurre,
Ce temps où tout n’était qu’un leurre.
Mais non, le corps de papa est resté là,
Sans vie, sans chaleur, sans cœur qui bat.
Mon petit papa s’est éteint au petit matin.
Il ne sera plus là pour me donner la main,
Il ne sera plus là pour mes lendemains.
Mon Dieu qu’il est grand ce chagrin.
J'ai enfilé son gilet encore tout imprégné de son odeur,
Je me suis endormie sans larmes, sans peur,
Comme si ses bras m’enveloppaient, me cajolaient.
Je devenais toute petite, je rétrécissais,
Partait dans les jardins de l'enfance,
Ou tout est permis, ou tout est balance.
Où l’on recommence, jusqu'à la nouvelle danse.
Ou l’on crie : Croix de bois, croix de fer,
Si je mens, je vais en Enfer !
Mais moi, à cloche-pied, je vais au Paradis,
En sautant sur ma marelle, je suis en vie.
Papa ramène ta fraise, saute avec moi,
S’il te plaît : « prends-moi dans tes bras »
Je n’ai pas envie de rester là.
Chez les adultes tout est mensonge,
Je voudrais rester dans mon songe.
Je voudrais faire à dada sur tes genoux,
Je voudrais te faire des bisous dans le cou.
Je voudrais que tu me fasses :
Tu as une tâche, pistache !
Oui, me retrouver barbouillée de chantilly,
Et voir mon sourire éclairer ta vie.
À toi, mon petit papa chéri.
Trouver les petits croissants sur la table,
Et t’écouter raconter une fable.
Monter avec toi dans les manèges,
Et de cette fête foraine, regarder le cortège :
Des fanfares, des miss, des chars, des majorettes.
Oui, les regarder en mangeant une galette.
Mais non, c'est fini, la partie est terminée,
Les dés de la vie ont été jetés
Et c'est la mort qui est tombée.
Toi tu penses que tu as gagné,
C'est ce que tu voulais, être soulagé.
Retrouver tous ceux que tu avais aimés,
Partie trop tôt, te laissant leurs flambeaux.
Pour toi, pas assez de bras, il y en avait trop.
Demain nous ne regarderons pas les chars,
demain il n'y aura pas de majorette, pas de fanfare.
Non, demain nous suivrons, nous, tes miss, le corbillard.
Qui t’emmènera à ta dernière adresse,
Où il ne sera plus question de caresse.
On a perdu la partie, on récupère ta lumière,
Mais à l'intérieur de nous c'est la guerre.
On t’aimait grave mon petit père,
Et j'espère qu'il y a une vie après cette terre.
En attendant, vive le rêve, ce sera ma pause à moi.
Le moment où je serais dans tes bras à toi.
Et pour le coup, tu ne seras rien qu'à moi.
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